Dans ce premier roman, Sylvestre Sbille nous propulse au cœur d’une période sombre de notre Histoire européenne.
Bruxelles, 1943. Youra, jeune médecin juif belge, est interdit de pratiquer son métier. Il décide alors de rejoindre son frère Choura dans la Résistance. Ce n’est pas un choix, mais comme une évidence pour lui. Pour son premier acte, il décide avec ses amis de stopper un train chargé de femmes, enfants et hommes, en route vers la Pologne et ses camps de concentration. L’objectif ? Bloquer ce train parti de Malines pour aider certains juifs à sauter vers la liberté.
« Est-ce que j’ai bien fait d’embarquer ces deux lascars avec moi ? Est-ce qu’ils sont parfaitement conscients du risque ? Est-ce qu’ils ont pu exercer leur satané libre arbitre, comme le veut la morale ? Ou bien est-ce moi qui leur ai joué un tour en les prenant par les sentiments ? Il n’a même pas eu besoin de sortir les violons, de convoquer le bon vieux temps où on était scouts, les bancs de l’école, les principes, la liberté, l’honneur ». Mais comment être dans la résistance sans se faire prendre ? Amis, amours, famille, les uns et les autres doivent multiplier les attentions aussi bien auprès de l’ennemi qu’envers leur entourage. N’est-on pas si souvent trahi par les siens ?
Face à l’aspect tragique, on est comme emporté par l’énergie dévorante de tous ces personnages animés par leur quête de liberté, de vengeance mais aussi de justice humaine. A travers cette course à la tolérance, l’auteur nous questionne sur le sens de l’humanité, ce devoir de désobéissance face à l’ennemi. Plongé dans la Résistance, confronté à la collaboration, on s’interroge sur les motivations qui poussent ces jeunes à risquer leurs vies pour les autres. « Il est possible de pénétrer l’épaisseur des choses. On n’arrive pas là en essayant, avec de la volonté. Paradoxalement, la condition pour y entrer est de ne plus vouloir y entrer. Et il n’y a pas de mots pour nommer cette vérité. Ou alors ils sonnent creux, ceux qui décrivent l’état et le chemin vers cet état. Abandon. Connexion. Communication »
Une histoire vraie
Inspiré de fais réels, Sylvestre Sbille revient sur la jeunesse éphémère de Youra et Choura Livchitz, deux frères ukrainiens venus s’installer en Belgique pensant que l’Europe occidentale pourrait les protéger de la folie d’Hitler et de son projet fou, décimer le peuple juif pour laisser place aux aryens. Avec un simple revolver et une lanterne, ils réussiront à arrêter l’un de ces trains quittant la Belgique à destination d’Auschwitz. Plus de 230 déportés s’échapperont du train et iront se cacher. Ce sera l’unique histoire de ce genre recensée en Europe de l’Ouest après la Seconde Guerre Mondiale. Permettant à de nombreuses personnes d’échapper aux camps d’exterminations, Youra sera finalement arrêté le 26 juin 1943 et exécuté le 10 février 1944.
Drôle, à la fois tragique et touchant, Sylvestre Sbille signe un récit haletant autour de la vie, des autres et de cette période sombre de notre Histoire.
"J'écris ton nom", Sylvestre Sbille, Edition Belfond, 320 pages, 17 euros